
La firme de Redmond parle d’une évolution naturelle vers la sécurité, la continuité et la collaboration. Mais pour de nombreux utilisateurs, notamment dans les entreprises et administrations, ce changement soulève des inquiétudes profondes. Car en redirigeant de force la sauvegarde vers le cloud, Microsoft modifie un geste informatique vieux de quarante ans : celui de créer, enregistrer et posséder localement ses documents.
Microsoft a organisé un événement spécial consacré à OneDrive et Copilot, au cours duquel il a annoncé plusieurs nouvelles fonctionnalités pour son service de stockage dans le cloud. Parmi ces annonces figure un changement que Microsoft va bientôt apporter à Word et qui pourrait déplaire à ceux qui continuent de rejeter OneDrive et le cloud.
« À partir d'aujourd'hui, les nouveaux documents créés dans Word Desktop sur Windows (Insiders) sont désormais enregistrés directement dans OneDrive, avec la fonction d'enregistrement automatique activée », explique Microsoft. Cela signifie qu'à l'avenir, la création de nouveaux documents dans Word entraînera leur enregistrement automatique dans votre espace de stockage OneDrive, la fonction d'enregistrement automatique étant activée dès le départ.
Ce changement vise à faciliter la sauvegarde et l'accès aux documents sur différents appareils, mais certains pourraient considérer que le fait que Word tente de télécharger automatiquement les documents vers le cloud par défaut constitue une atteinte à la vie privée. Beaucoup ne remarqueront probablement même pas que le comportement de Word a changé, car l'ensemble du processus d'enregistrement et de sauvegarde est automatique.
Bien sûr, les utilisateurs pourront désactiver cette fonctionnalité s'ils préfèrent enregistrer leurs fichiers manuellement ou localement, mais à l'avenir, Word enregistrera automatiquement tous les nouveaux documents dans le cloud par défaut. Jusqu'à présent, Word créait par défaut un nouveau document non enregistré localement et vous invitait à l'enregistrer dans OneDrive pour activer l'enregistrement automatique.
Outre l'enregistrement automatique des fichiers sur OneDrive dans Word, Microsoft a annoncé de nombreuses autres améliorations à venir pour OneDrive, notamment de nouvelles fonctionnalités d'intégration Copilot qui facilitent et accélèrent l'accès à Copilot et la découverte, la gestion ou la modification de fichiers et de photos à l'aide de l'IA.
La société a également confirmé qu'elle travaillait sur une application OneDrive dédiée pour Windows 11, qui rendra la visualisation et la modification des photos plus faciles et plus rapides. Faites-nous part dans les commentaires de votre avis sur ces améliorations et modifications apportées à OneDrive.
De Word au « cloud pensant » : Microsoft parachève l’intégration de Copilot et OneDrive
La nouvelle philosophie de Microsoft est claire : chaque fichier créé doit pouvoir être compris, résumé et exploité par Copilot. Pour cela, il faut que le document vive dans le cloud. En enregistrant désormais les nouveaux fichiers directement dans OneDrive, Word alimente cette boucle de données où Copilot peut indexer, relier et suggérer du contenu.
Dans son billet « Copilot + OneDrive: Intelligence in Every Click », Microsoft décrit un futur où OneDrive devient non plus un simple dossier de stockage, mais un cerveau auxiliaire capable de « comprendre vos fichiers, vos projets et vos intentions ». L’entreprise promet un assistant capable de retrouver un document « écrit par votre collègue il y a six mois », de « résumer toutes les présentations d’un trimestre », ou encore « d’analyser vos photos et vos notes pour détecter des tendances ».
Pour que cette magie fonctionne, il faut que tout — absolument tout — soit sur OneDrive. Le changement du paramètre par défaut dans Word n’est donc pas une simple commodité : c’est la brique technique indispensable à l’écosystème Copilot.
Le prix de la commodité : la dépossession des données locales
Le récit marketing de Microsoft parle de « simplification » et « d’inspiration à chaque mémoire ». Mais cette narration enjolive un transfert de pouvoir. Désormais, lorsqu’un utilisateur clique sur « Nouveau document », il ne choisit plus où celui-ci sera stocké : c’est OneDrive qui décide. La machine ne demande plus la permission d’écrire sur le disque local. Elle écrit directement dans le cloud, sous un identifiant Microsoft.
Ce geste banal — enregistrer — devient un acte de cession implicite. L’utilisateur ne possède plus un fichier, il accède à une instance d’un contenu hébergé, soumis à des politiques d’usage, de conservation et de sécurité qu’il ne maîtrise pas. Ce basculement sémantique est majeur. Microsoft parle de « vos souvenirs » et de « votre intelligence amplifiée », mais l’espace de mémoire n’est plus le vôtre. Il appartient à OneDrive, et donc à l’entreprise qui l’exploite.

Copilot, l’intelligence qui justifie le contrôle
Le discours « d’intelligence contextuelle » de Copilot agit comme une légitimation. Pour fonctionner, l’IA de Microsoft doit pouvoir accéder à vos fichiers, les analyser, les résumer, les corréler. Le cloud devient ainsi une condition technique du service.
Le problème n’est pas seulement l’accès, mais la logique d’auto-justification algorithmique : l’intelligence artificielle impose le cloud, et le cloud justifie l’intelligence.
Dans cette configuration, l’utilisateur n’a plus vraiment de choix. S’il veut bénéficier de la puissance de Copilot, il doit laisser ses documents dans OneDrive. Et s’il refuse, il se prive des nouvelles fonctionnalités « intelligentes » vantées dans chaque mise à jour. Cette dépendance crée une forme de chantage ergonomique : soit vous acceptez le cloud, soit vous perdez les avantages du futur.
La souveraineté des données menacée
Pour les particuliers, ce changement passe inaperçu. Mais pour les entreprises et les institutions publiques, les implications sont sérieuses. En enregistrant automatiquement sur OneDrive, Word expose des données internes à un environnement soumis au Cloud Act américain, qui autorise les autorités des États-Unis à exiger l’accès à certaines données, même hébergées en Europe.
Microsoft assure respecter le RGPD et proposer des « régions de données » pour les clients professionnels, mais la bascule par défaut vers OneDrive crée une zone grise : l’utilisateur lambda n’a ni le contrôle ni la visibilité sur la localisation effective de ses fichiers.
Le risque n’est pas théorique. Il est juridique et politique. Ce changement, appliqué sans consentement explicite, déplace le centre de gravité de la donnée hors du contrôle de l’usager.
Quand l’intelligence devient l’alibi du capitalisme de la donnée
En lisant entre les lignes du billet de Microsoft, on comprend que « l’inspiration dans chaque mémoire » signifie surtout l’exploitation de chaque donnée. OneDrive devient une immense base d’entraînement pour les modèles de Copilot, capable de comprendre le comportement des utilisateurs, leurs rythmes de travail, leurs habitudes rédactionnelles.
Cette donnée n’est pas forcément « lue » par des humains, mais elle nourrit l’économie de l’attention et de la prédiction. Microsoft n’a pas besoin de vendre les données : il leur fait produire de la valeur en affinant ses outils et ses modèles. Autrement dit, chaque clic, chaque enregistrement, chaque document contribue à entraîner l’IA de Microsoft, pas seulement à servir l’utilisateur.
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